Je me trouve pathétique. Maxence est parti bosser à Los Angeles et je me retrouve con à poser cette question : qu’est-ce que je fais maintenant ? Avant, je ne me suis jamais senti aussi dépendant de quelqu’un. Avant, si ma copine n’était pas là, j’aurais trouvé mille et une façons de m’occuper. Mais là, c’est bizarre. Il allait falloir que j’attende encore une semaine et demi avant de le revoir et ça m’embêtait beaucoup. Mais il faut que je compose avec nos emplois du temps, parce que ce n’est pas près de s’arrêter ! Du coup, c’est vrai, je m’ennuie un peu dans mon appartement. Enfin, il faut encore que je prépare les cartons, donc je ne m’ennuie pas TANT que ça. J’aurais juste préféré les faire avec Max mais passons. Avec Ouba dans les pattes, je range mes bouquins dans un carton, que je referme au gros scotch. L’appartement est petit et se vide vite. Je n’ai pas ramené grand chose de Paris, à la base. Je n’en ressentais pas vraiment le besoin et c’était, de toute manière, trop coûteux.

C’est avec la tête dans le placard des casseroles de la cuisine que j’entends la sonnerie de mon téléphone, m’indiquant que j’ai reçu un message. J’essaye de rester calme, de ne pas sauter dessus en mode “c’est mon petit-ami qui prend de mes nouvelles pendant qu’il est sur son shooting”. Et je fais bien, parce que si j’avais réfléchi de la sorte, j’aurais été déçu. Non, c’est un sms un peu étrange de Taylor que, ma foi, je n’ai pas vue depuis un moment déjà. Mais je l’aime beaucoup. À vrai dire, je suis autant ravi que perplexe face à ce message. Des maillots de bain ? Elle compte m’amener à la piscine par 0° ? Peut-être dans un spa, cela me ferait du bien ! Je ne sais pas trop si je dois prendre cela au sérieux. Dans le doute, je sors un maillot de bain et mon sac de voyage, que je pose sur le côté. Je me perds de nouveau dans mon rangement de cartons, lorsque j’entends mon prénom presque hurlé dans le couloir. Ouhlà, j’espère que ma vieille voisine n’est pas là, sinon Taylor risque de se prendre un parapluie en pleine tête pour faire un boucan pareil. Parce que ça ne peut être qu’elle ! J’en ris déjà, même si je me demande ce qui peut être “super lourd”. Qu’est-ce qu’elle a fait encore…

J’enjambe rapidement mes affaires pour atteindre la porte et après avoir poussé Ouba sur le côté, l’ouvre. Le tableau qui s’offre à moi - à savoir Taylor en sombrero avec un sac plus grand - et oui sûrement plus lourd - qu’elle sur le dos - me fait quasiment exploser de rire et me choque à la fois. Je ne sais pas ce qu’elle a en tête, mais ça me fait l’effet d’une grande bouffée d’air frais. Moi qui m’ennuyais, seul, je me sens tout de suite mieux. C’est à ça que servent les amis non ?

“Entre ! Mais tu fais quoi dans cet accoutrement au juste ? Et c’était quoi ce sms bizarre que tu m’as envoyé ?” Je referme vite la porte derrière elle afin que l’on soit plus tranquilles et croise les bras en la regardant déposer son âne mort sur mon canapé déjà bien encombré. “Tu pars en expédition ?”

Ma pauvre Ouba… Je la regarde se faire kidnapper par Taylor et la connais assez pour savoir qu’elle est en train de se demander ce qui lui arrive ! Heureusement, c’est une chienne qui ne mord pas aisément, donc si elle la lâche assez vite, il n’y aura aucun accident. Ce qui s’avère être le cas. À peine les pattes reposées au sol, Ouba va se réfugier dans mes jambes, m’empêchant de bouger à ma guise.

Semblerait-il que je n’ai pas compris le message de mon amie mais en même temps, c’est compréhensible non ? Il n’avait aucun sens et je prends mon téléphone pour le relire. Je n’ai aucun indice d’aucune sorte et la perplexité doit se lire sur mon visage. En plus de cela, je suis au milieu d’un grand foutoir sans nom.

“C’est une blague ? Trentes minutes ? Mais où ? J’ai rien pigé à ton message oui…” Je soupire, elle va très vite - peut-être même un peu trop vite pour moi sur le coup. J’ai encore la tête dans mes cartons. En parlant de cela, elle semble intriguée par l’aspect de mon appartement et je me décide à lui répondre rapidement, afin de préparer mes affaires comme elle me le demande. Je sais qu’elle ne lâchera pas le morceau, alors…

“Je suis en train de déménager figure toi ! Ce que tu vois là, c’est moi en train de faire mes cartons. Donc oui, c’est le bordel. J’étais loin d’imaginer que tu débarquerais pour m’emmener je ne sais où avec un maillot de bain…” Je hausse les épaules et récupère mon sac à dos. Par chance, je sais à peu près où se trouve le gros de mes affaires, donc je devrais pouvoir m’en tirer dans le temps imparti. Si elle ne change pas d’avis d’ici là ! Okay, on est passé de trente à dix minutes, tout va bien. Avec Ouba dans les pattes, je vais aussi vite que possible et embarque au moins cinq t-shirt, des bermudas, un ou deux pantalons, enfile mes baskets, des sous-vêtements, fais un stock de chaussettes et après une bonne minute à râler, trouve enfin mes lunettes de soleil et ma casquette fétiche. Au passage, je vérifie que tout branchement électrique est bien déconnecté. Je ne voudrais pas qu’il arrive un malheur dans cet appartement en mon absence ! Dans mon sac, j’enfourne deux gamelles à Ouba ainsi que son sac de croquettes, ne sachant pas à quoi m’attendre pour la suite.

“Bon, tu vas te décider à me dire où on va ? Parce que je te préviens, on va devoir prendre Ouba. Tu me prends de court et j’ai rien prévu pour elle… Je ne peux pas la laisser seule ici pendant des jours, je n’ai personne à qui la confier.” Cette histoire me stresse légèrement. Si elle m’avait prévenue à l’avance, j’aurais trouvé un chenil ou un ami chez qui la déposer… Mais je ne connais aucune adresse, Maxence est à Los Angeles et Adam à Londres ! J’espère qu’elle a compté cette information dans ses prévisions ! Passant la bandoulière de mon sac de voyage sur mon épaule, je regarde le chantier autour de moi puis acquiesce.

“Okay, je suis prêt ! Et en moins de dix minutes, s’il-te-plaît.” Je suis assez fier de moi mais encore une fois, j’ai un gros doute sur ce qu’elle me réserve.

Elle promet que ça va me plaire mais en même temps, j’ai bien le droit de douter non ? Et de râler, par la même occasion. Je n’aide pas vraiment la réputation des français en agissant de la sorte, j’en ai bien conscience, mais c’est plus fort que moi. Je flippe un peu. Taylor peut être un peu trop extravagante pour moi des fois, c’est vous dire le niveau. Moi qui ai toujours des idées de merde…

“Je vais à Brooklyn. En fait, j’emménage avec mon copain.” Cela me fait très bizarre de dire les choses comme ça. Je ne parle pas souvent de Maxence aux autres, on en est encore au stade où on a peur de trop en dire sur nous aux autres, au risque que ça se répète et qu’on se retrouve avec une hordes de fans ou de haineux partout sur nos messageries ou à nos portes. Et j’admets que c’est la première fois que je dis tout haut à quelqu’un qu’il est mon copain. Mon petit-ami. Je crois même que j’en rougis ! Je décide de ne pas trop m’étaler sur le sujet, même si je pourrais parler de ô combien Maxence est génial pendant des heures entières. Il faut que je prépare mon sac et je me dépêche dans cette tâche. J’y parviens tant bien que mal, mais toujours avec énormément de questions dans ma tête.

“C’est toi la gosse, à jouer à ce jeu !” Je rétorque, mais en moins de temps qu’il ne faut pour le dire, avec Ouba sous le bras, nous sommes sortis de mon appartement. Cela me fait tout bizarre de partir aussi vite, je n’avais pas prévu de passer ma journée de cette manière. Dans le taxi qu’elle a commandé pour nous, elle met un sombrero sur sa tête, le même que je n’ai pas tout de suite remarqué lorsqu’elle est arrivée chez moi. Pourtant, difficile de louper un truc de cette taille ! Elle compte vraiment m’emmener au Mexique ? Parce que c’est ce que ce chapeau suggère. Et cela expliquerait aussi la nécessité d’aller à l’aéroport.

On finit par arriver à destination - enfin, la première de nombreuses destinations j’imagine ? - et elle me tease à nouveau. Sauf que cette fois, j’ai la réponse. “Tu me prends pour un idiot ou quoi ? Mexico !” Je dis en imitant l’accent espagnol - ma foi, d’une bien étrange façon. Mais l’intention y est ! Je n’y suis jamais allé et cette idée m’excite vraiment. Enfin, j’espère qu’elle ne m’a pas tendu un piège avec ces indices et qu’en fin de compte, on va en Alaska… et que les maillots de bain nous seront utiles uniquement au spa. Je m’attends à tout de sa part !

“Et pourquoi ce voyage soudainement ? Pourquoi l’Amérique du Sud ?” Je suis naturellement curieux de son choix. Elle aurait pu prendre l’Angleterre, l’Italie, le Canada… je pense que le froid de New-York la travaille, honnêtement. Elle en a marre des températures basses, de la pluie et de la neige épisodique. Je peux la comprendre. Cela ne tombe pas forcément au meilleur moment mais je me dis que j’aurais bien le temps de finir mes cartons avec Max, à son retour de Los Angeles. Cela pourrait même être plus marrant que de les faire seuls !

Nous entrons dans l’aéroport et allons faire enregistrer nos bagages, ainsi qu’Ouba et nous-mêmes. Je la mets dans sa cage et comme elle est petite, j’ai eu l’autorisation de la mettre à mes pieds. Un plus, car je n’aime pas la savoir seule en soute. Nous allons nous ranger dans la file pour passer la douane et j’ai encore du mal à me rendre compte que je vais quitter le pays dans à peine une heure ou deux. “T’es complètement folle. J’espère que tu t’en rends compte…”